Le thé et les reins

Quand j’ai commencé à écrire sur ce blog, j’ai souvent entendu que le thé en excès entraînait la formation de calculs rénaux chroniques. Pourtant avec sa réputation de boisson « miracle » et sa capacité à hydrater le corps, qu’en est-il exactement ?

Le rein : deux organes qui nous veulent du bien.

Le rein est un organe majeur de l’organisme qui assure de nombreuses fonctions vitales de l’organisme. Le rein joue le rôle de filtre pour notre sang. Mais ce n’est pas tout ! Le rein est capable d’agir sur notre cerveau et notre réseau vasculaire pour contrôler la sensation de soif et la pression sanguine respectivement.

Le rein ressemble à un haricot rouge … mais en plus complexe ! Il y a ce que l’on appelle les néphrons, un ensemble de tubes reliés à des vaisseaux sanguins. C’est dans ces néphrons, et en particulier dans une partie des tubes que l’on appelle glomérule rénal que va avoir lieu la filtration. La capacité de filtration des reins n’est pas illimitée, certaines molécules comme les grosses protéines (hémoglobline, créatine, etc) ou les lipides en excès (acides gras libres, cholestérol) peuvent s’accumuler dans le filtre glomérulaire et entraîner la formation de caillots que l’on appelle calculs rénaux.

Contrairement aux croyances populaires, il faut boire beaucoup pour « diluer » les flux de sang arrivant au filtre, et donc limiter l’accumulation des molécules sur le filtre (bien qu'une des conséquences bien connue est l’arrêt plus fréquent aux toilettes).

La caféine, une cause de formation de calculs rénaux ?

Depuis de nombreuses années, la caféine a été pointée du doigt comme étant inductrice de calculs rénaux calciques. En effet, les boissons fortement chargées en caféine comme le thé contiennent de l’oxalate, un des ingrédients entraînant la formation des calculs.

La réalité en tasse et dans l’organisme est beaucoup plus complexe. En 2007, Bolignano et al.ont récupéré les données cliniques de 6 études (1985-2004) de patients sains ou atteints de pathologies rénales. Ils ont constaté que la caféine n’augmentait pas le risque de développement de calculs rénaux, peu importe l’état de santé des patients (bien que les études ne prenaient pas en compte l’âge et la prise médicamenteuse de diurétiques ou d’analgésiques par exemple, facteurs favorisant de développement de calculs).

De plus, si l’on s’intéresse aux données sur le thé, le thé n’aurait pas un pouvoir protecteur significatif sur la formation des calculs calciques, on peut alors se demander si le thé à un effet bénéfique sur les reins.

Le thé et les reins : que savons-nous depuis 5 ans ?

Si l’on sélectionne une dizaine de publications incluant les termes « Tea » et « Kidney » (thé et rein) … on se rend vite compte de la diversité des résultats. En 2017, Biao et al.ont conduit une étude sur 8807 personnes au mode de vie indifférencié (sédentarité, régime alimentaire, etc) et ont montré que la consommation quotidienne de thé (peu importe la fréquence) augmentait la survenue de cristaux de calcium dans les reins.

Cependant, en 2014, Van Hasselt et al. ont démontré que la consommation quotidienne de thés verts, de thés noirs et de oolong chez 12428 patients n’avait pas altéré les fonctions de filtration rénale.

Enfin, en 2019, Shu et al.ont réuni les résultats de deux études (58054 hommes et 69166 femmes) sur la consommation hebdomadaire de thé vert (au moins trois fois par semaine pendant plus de six mois) et ont constaté que le thé aurait un rôle protecteur sur l’apparition des calculs rénaux.

Pour comprendre pourquoi les résultats de la littérature sont aussi contrastés, les auteurs respectifs de ces publications se sont intéressés aux patients de leurs études (âges, sexe, mode de vie, etc). Par exemple, pour Biao et al., le groupe des buveurs de thés contient plus de personnes présentant des cas d’hypertension chronique que les non-buveurs. Or, l’hypertension artérielle est connue pour favoriser la formation de calculs rénaux, ce qui pourrait aussi indiquer que le thé n’aurait pas un effet négatif mais aucun effet protecteur sur l’apparition de cette pathologie.

L’état de santé général des patients est donc importante à prendre en compte dans les études sur le thé et les reins. En effet, une étude in vivo réalisée chez le rat en 2017 par Xie et al. semble démontrer que la probabilité de contracter une pathologie rénale liée à une alimentation riche en acides gras diminuerait après avoir consommé des extraits de thé vert. Il est intéressant de constater dans cette étude que les effets des extraits de thé vert sont similaires à ceux d’un régime adapté dans le cadre des pathologies rénales. Ceci laisserait suggérer que le thé pourrait aussi avoir un rôle protecteur en fonction de la pathologie rénale.

En dehors des calculs rénaux, les études des composés chimiques du thé, comme les catéchines/EGCG, sur la prévention d’autres pathologies rénales (néphrotoxicité liée aux traitements anticancéreux, fibroses rénales, etc) sont encore limitées aux études in vitro et in vivo sur les cellules et les animaux mais elles semblent indiquer un effet protecteur.

Il semblerait que le thé et les reins aient une histoire un peu compliqué. Entre formation de calculs à cause de la caféine et effets protecteurs, la réalité est plus complexe et semblerait dépendre de la pathologie et de l’état de santé sous-jacent des patients. En dehors des études sur les calculs, il existe encore peu de données sur l’effet protecteur du thé sur les autres pathologies rénales.

Bibliographie

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